Les Groupes Solidaires: un outil essentiel pour l'inclusion des femmes

Le défi: services financiers aux plus démunis

En 2018, les femmes n’ont représenté que 17% des crédits individuels octroyés par Bɛnso Jamanu. Ce chiffre reflète une réalité bien connue des acteurs de la microfinance au Mali: l’accent mis sur les clients individuels signifie que les caisses villageoises sont intrinsèquement limitées dans leur capacité à atteindre les classes socio-économiques les plus pauvres de leur zone de service; en raison des inégalités de genre typiques de la région, ce sont principalement les femmes.  Conscient de cette situation, Camide investit dans la recherche-action depuis 2005 pour mettre en place une méthodologie qui lui permette de répondre à ce défi.

“La quasi-absence de patrimoine couplée à la taille extrêmement petite des activités économiques des femmes démunies imposent l’adoption d’une approche de groupe dès le début de l’accompagnement”

2005-2009: Mise en place de groupes solidaires en zone urbaine

Camide s’engage dans la mise en place de groupes solidaires en 2005 dans la ville de Kayes, en partie pour augmenter le volume d’activité du guichet urbain, jusque là uniquement en place pour servir les villageois en déplacement vers la ville.  Les groupes sont formés par les agents de Camide dans le seul but de créer un mécanisme de refinancement groupé, sans forte considération pour les capacités des femmes à gérer leur groupe ni leur engagement en terme de solidarité.  La mise en œuvre connait une croissance rapide dans la ville de Kayes mais souffre d’un taux de défaillance élevé qui conduit finalement à l’échec. Cette première expérience fait prendre conscience à Camide que pour se maintenir, les groupes solidaires doivent être plus qu’une simple conduite de refinancement.

“Pour se maintenir, les groupes solidaires doivent être plus qu’une simple conduite de refinancement”

2009-2016: Expansion rurale; collaboration Mali-Sénégal-Burkina au sein du Réseau Aliniha

A partir de 2009, un deuxième modèle de groupes solidaires est développé en collaboration avec des organisations partenaires au Burkina Faso et au Sénégal. Fort des leçons de la première expérience, ce modèle vise à créer des groupes plus forts en engageant les femmes dans la résolution des problèmes socio-économiques et environnementaux. Cet effort aboutit à la création du réseau Aliniha, un réseau d’associations féminines autour de Kayes (Mali) et de Tambacounda (Sénégal). Malgré les succès, une capacité de leadership interne trop limitée, ainsi que des capacités de gestion et des niveaux de confiance trop faibles au sein des groupes et des associations de femmes font que ce modèle continue à demander un niveau d’assistance et de suivi trop lourd.  La conclusion est que dans sa forme actuelle, ce modèle peut être maintenu à petite échelle, mais la réplication et mise à échelle au travers du réseau de Bɛnso Jamanu ne serait pas viable, ni sur le plan opérationnel que financier.

Réseau Aliniha en 2016

“Un modèle de groupes solidaires qui demande un niveau d’assistance et de suivi trop lourd ne permet pas la réplication et mise à échelle”

2016: Voyage d'étude en Inde pour un retour aux sources de la méthodologie de groupes solidaires

Pour chercher à résoudre ses problèmes de leadership et de capacité de gestion, en 2016, un groupe mixte composé de femmes Aliniha et du personnel de soutien technique de Camide fait un voyage d’échanges dans le nord-ouest de l’Inde pour en retirer les meilleures pratiques des groupes solidaires tels que mis en place dans cette région. À Dholpur (Rajasthan oriental), dans une région confrontée à des problèmes environnementaux et socio-économiques remarquablement similaires à leur propre région du Sahel, ils sont inspirés par le réseau de groupes solidaires de la Fondation Manjari.

La méthodologie de Manjari est particulièrement intéressante car elle permet de relever les principaux défis du modèle Aliniha de Camide: faible leadership, capacités de gestion limitées, manque de capital interne et finalement confiance limitée des femmes dans leurs associations de groupe et de village.

2017-2018: Début de la collaboration avec l'association Indienne « Manjari »

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En 2017, une équipe technique de Manjari composée de sept personnes (femmes et hommes) passe 30 jours dans quatre villages au sud de la ville de Kayes. 50 groupes YƐRƐDƐMƐ (non local Bamanakan des groupes solidaires) sont mis en place en utilisant la méthodologie de Manjari, regroupant un total de 650 femmes. En 2018, la bonne marche des groupes amène une nouvelle intervention de l’équipe technique de Manjari pour la mise en place de 4 associations villageoises regroupant les groupes YƐRƐDƐMƐ dans leur village respectif. Ces associations jouent un rôle essentiel dans l’organisation du labour et le refinancement des crédits octroyés lors de la campagne agricole 2018: un total de 35 000 euro de crédit, dont 28 000 euro en refinancement et 7 000 euro en fonds propres.

“La campagne agricole est la première opportunité de démontrer aux femmes la valeur du groupe solidaire, aussi bien en terme de l’organisation du labour que vis-à-vis du financement des intrants”  

2018: Deuxième voyage d'étude en Inde pour s'inspirer des modèles indiens de développement de filières économiques

Reconnaissant le succès des activités de microfinance sur le développement des activités économiques (en l’occurrence l’agriculture d’hivernage), un deuxième voyage d’étude en Inde regroupant les différents acteurs (groupes de femmes, équipes techniques, administration locale) a lieu fin 2018.

Les participants ont l’occasion d’être informés et formés sur toutes une série de techniques de développement de filières: maîtrise des ressources, technologies et techniques appropriées, méthodes de gestion professionnelle, relations entre les différents acteurs le long des filières,  modèles de développement communal intégrés

Suite au voyage étude, de nouvelles filières économiques sont en cours de développement dont l’aviculture et la culture de l’oignon. Une méthodologie de recherche-action permettra de valider des modèles développés par les parties prenantes elles-mêmes, influencées par les expériences indiennes.

2019-2020: Réplication par les membres des premiers groupes YƐRƐDƐMƐ et mise en place de la Fédération Logo Jigi

Début 2019, une première réplication de mise en place de groupes YƐRƐDƐMƐ est menée avec succès par les femmes issues des premiers groupes, avec pour résultat la création de 56 nouveaux groupes dans 6 villages de la même commune (pour un total de 106 groupes regroupant plus de 1 500 femmes à avril 2019).

Deux autres campagnes de mise en place des groupes ont lieu fin 2019 et début 2020 pour couvrir l’ensemble de la commune et permettre la mise en place de la Fédération Logo Jigi regroupant l’ensemble des associations villageoises de la commune. Fin 2021 la Fédération Logo Jigi regroupe alors 19 associations villageoises, couvrant 24 villages, 185 groupes, pour un total de 2433 femmes. La mise en place de la Fédération représente un étape importante dans l’autonomie de gestion des groupes YƐRƐDƐMƐ et la diffusion du modèle dans d’autres communes.

Groupes YƐRƐDƐMƐ de la commune de Logo, regroupés au sein de la Fédération Logo Jigi

“La mise en place de la Fédération représente un étape importante dans l’autonomie de gestion des groupes YƐRƐDƐMƐ au niveau communal. Son succès servira de modèle pour la diffusion dans d’autres communes.”

2021-2022: Réplication dans 3 nouvelles communes (Séro Diamanou, Liberté Dembaya et Hawa Dembaya)